ô beaux yeux bruns, ô regards détournés
ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
ô noires nuits vainement attendues,
ô jours luisants vainement retournée !
ô tristes plaints, ô désirs obstiné,
ô temps perdu, ô peines dépendues,
ô milles morts en mille rets tendues,
ô pires maux contre moi destiné !
ô ris, ô front, cheveux bras mains et doigts !
ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant de flambeaux pour ardre une femelle !
De toi me plains, que tant de feux portant,
En tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en ai sur toi volé quelque étincelle.
Louise Labé (1524-1566)